« Mon frère a été abandonné comme un chien sur le trottoir », le jugement insoutenable de l'automobiliste ayant fauché un piéton à Blagny en juin dernier

par Candide Blomme

« Il y a quelques jours, nous étions à Douzy. Elle s'appelait Lucie, elle avait 21 ans. Il y a quelques semaines, une mère, accompagnée de son bébé, a dûe être plongée dans un coma artificiel. Au parquet, il n'y pas une semaine, un week-end, sans que l'on soit appelé pour un accident grave, voire mortel » (Magali Josse, Procureure de la République)

Ce vendredi 26 juillet, le tribunal avait à juger un automobiliste de 24 ans, Romain, auteur d'un accident de la route mortel dans la nuit du 14 au 15 juin dernier à Blagny. La victime, Hugo, un jeune homme de 21 ans, rentrait à pied d'être allé acheter des pizzas, lorsqu'il avait été percuté par le mis en cause alors qu'il traversait le passage piéton.

Aux côtés du prévenu, 4 jeunes âgés de 23 à 26 ans, passagers du véhicule impliqué, renvoyés pour non-assistance à personne en danger. Romain, lui, devait répondre des chefs d'homicide involontaire avec l'ensemble de ses circonstances aggravantes (en état d'ivresse manifeste, sous l'emprise de stupéfiants, en consultant son téléphone alors qu'il roulait à une vitesse excessive), délit de fuite après un accident, non-assistance à personne en danger, et destruction de document ou objet concernant un crime ou un délit pour faire obstacle à la manifestation de la vérité, en incendiant son véhicule pour détruire toute preuve de l'accident, des faits passibles de 10 ans d'emprisonnement.

Un dossier insoutenable dans lequel personne ne saura jamais si Hugo aurait pu être sauvé grâce à une prise en charge plus rapide. Car la réalité du dossier est particulière et terrible : L'impact a eu lieu entre 23h50 et 1h20. Les secours ont été appelés à 1h41, non pas par les jeunes se trouvant dans la voiture, mais par un témoin de passage sur les lieux à 1h21, qui voit une silhouette étendue sur le trottoir, pensant qu'il s'agit d'une personne en état d'ébriété, avant de repasser à 1h40 et constater la présence de très nombreux débris aux abords du corps. Les secours sont arrivés sur les lieux de l'accident à 2h02 et ont aussitôt entamé les tentatives de réanimation de la victime. Mais le décès d'Hugo était déclaré par le médecin du Smur à 2h40.

Pendant tout ce temps, 4 des co-prévenus étaient restés sur place, paniqués, perdus, et sans savoir agir, tournant en rond, pleurant ou appelant leurs proches. L'un d'entre eux, ancien militaire, s'était approché du corps déformé et ensanglanté du jeune Hugo, avait pris son pouls, estimant « qu'il était décédé et qu'il n'y avait plus rien à faire », en raison, notamment, de « l'état du corps ». Quant à l'automobiliste, chauffeur poids lourd dans une grosse société de travaux publics Ardennaise, il prenait la fuite en compagnie de sa petite amie, infirmière de profession, empruntant un chemin pour y incendier son véhicule avant d'appeler un ami pour lui demander de venir les chercher.

L'examen externe du corps d'Hugo concluait à un polytraumatisme sévère, de nombreuses fractures du crâne, de la face et des 4 membres, mais ne permettait pas de définir ou même d'estimer l'heure du décès de la victime.

Devant la particularité de ce dossier, la Procureure de la République, Magali Josse, a requis 6 ans d'emprisonnement contre le conducteur ayant multiplié les fautes de conduite et ayant tenté de cacher son implication, mais également une annulation de son permis de conduire, avec interdiction de le repasser pendant une durée de 5 ans. Contre ses co-prévenus, 10 mois d'emprisonnement avec sursis étaient requis contre Arthur et Romane, inconnus de la justice, et 12 mois d'emprisonnement avec sursis contre Manon, petite amie infirmière de l'automobiliste. Enfin, 12 mois de prison ferme, aménageables sous la forme d'une détention à domicile sous surveillance électronique, contre Alexis, ancien militaire déjà condamné à 4 reprises pour des contraventions et délits routiers.

Après un long délibéré, le tribunal a rendu son jugement : Le conducteur est condamné à la peine de 5 ans d'emprisonnement avec maintien en détention ainsi qu'à l'annulation de son permis de conduire avec interdiction de le passer pendant une durée de 3 ans. Les 3 co-prévenus ayant un casier judiciaire vierge sont quant à eux condamnés à la peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis. Le dernier co-prévenu, avec 4 mentions à son casier judiciaire, est condamné 6 mois de détention à domicile sous surveillance électronique.