Dosages sanguins aux PFAS - Les résultats sont sans appel !!!

par Candide Blomme

Des taux alarmants, une exposition avérée

Les résultats sont tombés : les trois maires des Ardennes qui s’étaient soumis à un dosage sanguin le 7 août dernier présentent des taux de PFAS jusqu’à neuf fois supérieurs aux seuils américains de recommandations. À La Ferté-sur-Chiers, Étienne Malcuit affiche 27,5 µg/L (microgrammes par litre) de PFAS dans le sang. Mais c’est à Villy que la situation est la plus critique : Richard Philbiche atteint 184,74 µg/L, soit près de 10 fois la limite maximale recommandée par les études américaines (20 µg/L). Annick Dufils, maire de Malandry, enregistre quant à elle 132,81 µg/L.

Ces chiffres, interprétés par le Dr David Rossignol (Bio Ard’Aisnes), révèlent une corrélation directe entre la contamination de l’eau du robinet et les taux sanguins. Les deux PFAS les plus dangereux – le PFOA (lié à des cancers) et le PFOS (toxicité hépatique et rénale) – dominent les prélèvements. À titre de comparaison, une personne non exposée (hors zone contaminée) présente un taux total de 36,8 µg/L, avec un PFOA quasi indétectable (0,88 µg/L).

« L’exposition a généré des taux exceptionnellement élevés », résume Annick Dufils. Pourtant, malgré ces niveaux, aucun symptôme immédiat n’est observé chez les élus – du moins pour l’instant. Richard Philbiche, suivi annuellement pour des problèmes de santé, affiche des fonctions rénale, hépatique et thyroïdienne normales. « Mais pour combien de temps ? », s’interroge l'édile. Les PFAS, surnommés « polluants éternels », s’accumulent dans l’organisme et mettent, selon le Biologiste, 5 à 10 ans à diminuer de moitié – même après l’arrêt de l’exposition.

Richard Philbiche, Maire de Villy, revient sur ses résultats

Un scandale environnemental et politique

La source de la contamination ? L’épandage de boues de papeterie, une pratique autorisée par la DREAL Grand Est. Depuis juillet, 13 communes ardennaises (1 700 habitants) sont privées d’eau potable, avec des taux dépassant quatre fois les normes. Face à l’urgence, le préfet Christian Chassaing a annoncé le 11 septembre la suspension immédiate de tous les épandages près des captages d’eau, ainsi que des analyses complémentaires sur les denrées alimentaires locales.

Pourtant, les questions restent sans réponse :

Pourquoi la DREAL n’a-t-elle pas anticipé ces risques, alors que les boues sont classées ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) ?

Qui paiera les solutions de dépollution ? Les communes rurales, déjà exsangues, ne pourront assumer le coût sans augmenter le prix de l’eau – une injustice dénoncée par les élus.

Faut-il craindre un « effet pesticides » ? Comme pour les certains pesticides, les normes européennes sur les PFAS pourraient-elles être réévaluées sous pression industrielle et politique ?

Prochaines étapes : Justice et transparence

« On ne peut plus attendre », martèle Annick Dufils. « Ces chiffres sont une preuve : l’État doit agir. »

Annick Dufils, au micro de Radio 8

Chiffres clés

Villy (R. Philbiche) :

-  Somme des 7 PFAS présents dans l'eau : 184,74

-  PFOA : 123

-  PFOS : 50

-  Comparaison normes US* : 9x la limite recommandée

Malandry (A. Dufils) :

 - Somme des 7 PFAS présents dans l'eau : 132,81

-  PFOA : 60

-  PFOS : 59

-  Comparaison normes US* : 6,6x la limite

La Ferté-sur-Chiers (E. Malcuit) :

 - Somme des 7 PFAS présents dans l'eau : 27,5

-  PFOA : non évoqué

 - PFOS : non évoqué

  - Comparaison normes US* : juste au-dessus de la limite

*Seuil US : 20 µg/L (risques accrus nécessitant un suivi médical). Aucune norme Européenne à ce jour.

PFAS : Famille de 5 000 molécules synthétiques persistantes, utilisées dans les antiadhésifs, mousses anti-incendie, textiles, cosmétiques, etc.

Effets sur la santé : Risques de cancers, troubles thyroïdiens, immunitaires. Transmission mère-enfant pendant la grossesse.

Délai d’élimination : 5 à 10 ans pour réduire de 50 % la charge sanguine.

La question n’est donc plus de savoir si les PFAS sont dangereux, mais combien de temps va-t-il falloir pour protéger les populations. Prochaine réunion préfectorale prévue avant novembre 2025. En attendant, 3 000 Ardennais continuent de vivre sans eau potable.